Lille : l’histoire populaire disparue

jeudi 12 juin 2025

En plus de traîner les sites les plus moches de la région, Nord-Pas de Calais Adventure propose désormais la visite guidée du quartier disparu de Saint-Sauveur. Le quartier historique et ouvrier de Lille était connu jadis bien au-delà de ses remparts, pour sa misère et ses estaminets, d’où s’échappèrent – excusez du peu – L’Internationale et une certaine idée du socialisme.

Les premières visites se sont tenues le jour de l’inauguration de « Fiesta », l’édition 2025 de Lille3000, le grand événement culturel. Cette édition est la première sans Martine Aubry à la mairie, et sonne comme la fiesta d’enterrement du socialisme lillois. D’ailleurs, où est passée l’histoire du socialisme lillois ? Est-ce que la Gare Saint-Sauveur, devenue « lieu de diff », et les autres « Maisons Folie », ont depuis 20 ans et 8 éditions rendu hommage aux habitants de Saint-Sauveur et à leur culture si singulière ? Cette visite offre quelques explications.

Une visite en 3D

La visite se présente ainsi :

« Partez sur les traces du quartier historique de Lille : le quartier Saint-Sauveur, aujourd’hui détruit. Déjà réputé pour ses usines textile et ses courées insalubres, deux ouvriers y accouchèrent d’hymnes qui firent le tour du monde : Min P’tit Quinquin, la « Marseillaise du nord », et L’Internationale. En sillonnant ce quartier fantôme, vous découvrirez une histoire oubliée et néanmoins épatante, tissée de misères et de gaietés populaires. »

Dans la seule rue sauvée de la réhabilitation, le guide commence par nous lire les témoignages de cette misère qui sévit au long du XIXe siècle. L’époque est nourrie des grands espoirs de la grande industrie. Les nouvelles mécaniques et les machines à feu doivent accoucher du paradis terrestre. Mais la réalité ressemble davantage à l’enfer. Le plus connu de ces témoignages est sans doute celui de Victor Hugo, en 1851, député de la IIème République passé dans l’opposition à Louis-Napoléon. Sa grandiloquence habituelle épouse le sordide sous ses yeux, lui inspirant une conclusion qu’on ne lui connaissait guère :

« Cette malheureuse mère en haillons que j’ai vue dans les caves de Lille entourée de ses six enfants agonisant de dénuement, cette misérable vieille femme amaigrie par la fièvre et par la faim, gisant muette et accablée sur le pavé, si faible que sa main pouvait à peine se tendre pour l’aumône qu’on lui offrait, savez-vous le jour venu, à l’heure marquée, elle se lèvera, elle se dressera, elle grandira brusquement, elle deviendra spectre et géant, ce sera la figure même, la figure lamentable de la misère, elle saisira dans ses bras devenus tout à coup formidables et terribles, votre ordre légal, votre ordre social, vos gouvernements, vos hommes d’état, tout ce vieux monde, et elle vous dira avec une voix qui sera comme le tonnerre : reconnaissez-moi, je m’appelle Révolution ! »

Voguant entre les artères et les immeubles de ce qui est désormais un non-quartier, l’histoire populaire de Lille se poursuit avec trois figures locales dont on a oublié la renommée mondiale. Ils sont les « 3D » : Alexandre Desrousseaux, l’auteur de L’Canchon dormoire (ou Min p’tit quinquin) ; Pierre Degeyter, ouvrier socialiste, auteur de la musique de L’Internationale, jouée la première fois à Saint-Sauveur ; et son ami et camarade Gustave Delory, qui lui commanda la musique, avant de devenir le premier maire socialiste de Lille (tendance Jules Gesde).

Les visites durent 1h30 et coûtent 10€. Elles partent tous les jours, en fonction des réservations, de la Place du Vieux marché aux chevaux, à 13h. Les réservations se font par mail à l’adresse : info|a|nordpasdecalaisadventure.fr

Bonne visite !