Misère de l’antifascisme

vendredi 29 août 2025

Avec le ralliement des grands industriels de la technologie à Donald Trump, l’idée jadis défendue chez certains écolos d’un « techno-fascisme » est réapparue, mais dévoyée pour distinguer la bonne industrie technologique (démocrate-libérale) de la mauvaise (républicaine-fasciste). On suggère que « Techno-fascisme » relève du pléonasme, et Pièces et main d’œuvre en profite pour résoudre « la question décisive de savoir qui est résistant, qui réactionnaire ». On peut d’ailleurs en discuter sur leur réseau social BAO.

Jacques Ellul fonde la critique du système technicien (La Technique ou l’enjeu du siècle, 1954) sur l’étude de son caractère total et autoritaire : la délibération démocratique cédant devant le pouvoir des techniciens : « Il n’y a pas de choix entre deux méthodes techniques : l’une s’impose fatalement parce que ses résultats se comptent, se mesurent, se voient et sont indiscutables. » Or, le fascisme a pour caractère fondamental d’être anti-libéral, opposé au parlementarisme et aux agitations des « corps intermédiaires » (assos, syndicats, partis, presse) - à leur inefficacité. « Ein volk, ein Reich, ein Führer » est l’assurance d’établir une « communauté de la performance » [1].

Si le système technicien est un régime autoritaire, à l’inverse le fascisme est fondamentalement technologiste. Contrairement aux âneries selon lesquelles un « retour à la terre » rapprocherait certains écolos des idées fascistes, fascisme et nazisme sont des gouvernements industrialistes ; leurs deux partis financés par les plus riches industriels.
Le fascisme italien invente l’autoroute (1924) et les futuristes chantent l’automobile. L’Allemagne conquiert l’Europe non sur des troupes montées mais grâce à sa puissance sidérurgique, chimique, aéronautique. L’historien du fascisme Robert Paxton définit la révolution nationale française comme une « révolution bureaucratique » : « À son apogée, Vichy est l’œuvre d’un corps d’hommes de métier plus que de tout autre groupe social », celui des hauts fonctionnaires, des technocrates (La France de Vichy, Le Seuil, 1973).

L’actualité de la Tech américaine offre à Pièces et main d’œuvre de résoudre « la question décisive de savoir qui est révolutionnaire, qui résistant, qui réactionnaire, voire contre-révolutionnaire – et en fonction de quel critère. Où l’on débusque la réaction et la contre-révolution industrialistes. »

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Voir aussi :

 Bas les pattes devant Snowden, Manning, Assange et les résistants au techno-totalitarisme.
 Nazis augmentés, nazis défoncés.
 Ecofascisme : la menace fantôme

Notes

[1Chapoutot, J., « Le nazisme, une communauté de la performance », Transversalités, 2019.