Après le drame de l’alligator de Gravelines, l’enquête devra déterminer comment il est arrivé dans les eaux chaudes de la centrale. Mais déjà le maire de la commune, EDF, l’IFREMER et les associations de protection des animaux discutent de laisser l’animal où il est. Et pourquoi pas faire de la zone de rejet des eaux un refuge pour ces espèces exotiques déboussolées par le réchauffement climatique ? Les discussions s’entament à peine, mais les projets fleurissent.
Il aura fallu que le directeur de la centrale se fasse dévorer, en pleine visite officielle avec ses homologues russes de Rosatom, pour découvrir qu’un alligator s’est installé dans le chenal aux eaux chaudes de la centrale nucléaire. Depuis combien de temps est-il là ? Est-il seul ou en famille ? Comment est-il arrivé ? L’enquête doit encore le déterminer. La région a connu des précédents. On se souvient de ce puma aperçu à Arras fin 2021, ou encore de cette jeune lionne au début de cette année à Valenciennes. A Gravelines, le drame suscite encore beaucoup d’émotion, le nom de Jean-Marc Hitère scintille encore de mille LEDS sur la façade de la mairie. Mais que faire de l’animal ?
L’enquête n’est pas terminée, mais des voix proposent leur solutions. Il faut faire vite, l’animal est susceptible de venir inquiéter les baigneurs des plages du Dunkerquois cet été. La semaine dernière, c’est d’abord l’association des chasseurs de Compiègne, Safari 60, qui propose ses services à la préfecture. Hier, c’est à la Ligue de protection des animaux exotiques, la LPAE Hauts-de-France, de monter au créneau. Sa présidente avance deux explications à l’arrivée de l’animal dans nos contrées septentrionales : « Soit un particulier a voulu s’en débarrasser et a trouvé judicieux de relâcher l’animal dans les eaux chaudes de la centrale, soit l’animal, déboussolé par le réchauffement climatique, s’est retrouvé à la faveur des courants marins dans cette zone », avance Christelle Gibier. Ce qui est sûr, c’est que les eaux de la centrale lui ont offert un refuge accueillant.
Bientôt un zoo maritime exotique ?
Ce samedi 1er avril, le maire de Gravelines a décroché son téléphone pour appeler la famille et le PDG d’EDF, Luc Rémont. L’énergéticien lui a d’abord fait part de sa grande émotion, lui qui connaissait le défunt depuis leurs études à Polytechnique puis au Corps des ingénieurs de l’armement. Surtout, Luc Rémont a voulu rappeler les engagements historiques de son groupe en faveur de l’environnement : « M. Rémont a tout de suite exclu, et avec la plus grande vigueur, d’abattre l’animal », nous témoigne le maire.
Alors que faire ? Le maire a invité toutes les parties prenantes à un rendez-vous en mairie la semaine prochaine. La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et la LPAE se rencontreront pour trouver une solution pacifique. Cette dernière avance la possibilité d’un refuge pour animaux exotiques : « Avec le réchauffement climatique, la présence de ces animaux marins va nécessairement augmenter. Ils vont arriver pendant la saison chaude et risquent de se faire surprendre par nos températures de l’hiver. Il faut discuter avec EDF pour créer un tel refuge, et pourquoi pas l’ouvrir au public, comme un zoo marin. »
Contacté par téléphone, le directeur adjoint de la centrale s’est dit tout-à-fait ouvert à cette proposition. Reste à étudier la possibilité de développer un écosystème exotique pour assurer la survie des espèces. « A celui qui ose tout, rien n’est impossible !, veut-il croire. Des chercheurs américains ne viennent-ils pas de créer des mangroves artificielles ? » Alors, bientôt une mangrove sur le littoral nordiste ? Le chenal de rejet de la centrale de Gravelines semble en tout cas offrir la chaleur nécessaire à cette utopie. Les générations futures vont adorer.