Renart accueille dans son gîte le représentant d’une autre espèce comme lui traquée par les malandrins, un loup venu d’Isère. Le texte ci-dessous contient des éléments qui pourraient heurter la sensibilité de certains groupes et de certaines personnes, malgré l’important travail de correction, de suppression et de reformulation auquel il a été procédé. Nous pensons notamment aux moutons, aux éleveurs, aux chasseurs, aux tueurs, aux bouchers, aux restaurateurs, aux hôteliers, aux touristes, aux carnivores, aux végétariens, aux sociologues, aux experts, aux élus, aux syndicalistes, aux militants, aux artistes, aux ingénieurs, aux anti-spécistes, aux bonnes gens, aux salauds, aux abrutis, aux partisans de « l’écriture inclusive », et à quelques autres encore qui nous pardonneront de les avoir oubliés. En fait, c’est à se demander si le dessein de l’auteur n’est pas de se foutre de la gueule du monde, et à se mettre celui-ci à dos.
C’est un message reçu de l’équipe du film Marche avec les loups, « Éleveurs et bergers ont appelé à manifester dimanche 5 janvier devant le cinéma le Palace, à Gap, lors d’une projection. »
Des manifestations hostiles, l’équipe en a vu d’autres. Les élus du Département des Hautes Alpes et ceux de la Région Sud lui ont refusé tout financement, et la Région Auvergne-Rhône-Alpes a retiré son logo du film et du matériel de promotion, sous la pression des éleveurs. L’équipe reçoit même des menaces de mort dont cet échantillon anonyme :
« Vous pouvez tourner votre film de propagande nazie sur le gentil loup maintenant que des gogos ont accepté de le financer, mais pendant le montage un accident est vite arrivé : une fausse manipe et hop tout part en fumée... Les éleveurs de moutons s’opposeront par la force et la violence (...) au sinistre abruti Jean-Michel Bertrand(N.d.A : L’auteur du film), bon élève du sinistre Goebbels, complice des criminels qui tuent les éleveurs de moutons (...) et un accident est vite arrivé... dans un virage la voiture continue tout droit, et boum ! »
Le tract des éleveurs du groupe Facebook « Non au loup » est plus sobre et laconique :
« Oyé ! Oyé ! Appel à mobilisation contre le film : Marche avec les loups. Retrouvons-nous dimanche à 12h30 à la Chambre d’agriculture, on fera une distribution de tracts. »
Et après tout, c’est bien leur droit de hurler au loup. D’autant que, suivant l’équipe du film qui nous prie de faire circuler son message :
« ... la réaction des internautes a été très rapide pour soutenir le film ! Du coup la manifestation a été annulée ! Et plus de 400 personnes ont pu découvrir le film. Depuis le début des projections nous avons eu plus de 10 000 spectateurs et des prix dans des festivals. (...) Le public qui a déjà vu le film est enthousiaste, les demandes des salles de cinéma sont très importantes. La sortie du film le 15 janvier sur 150 copies sera donc grandiose. »
Finalement, il n’y a que les loups et les moutons qui ne sont pas sur les « réseaux sociaux », mais dans la vraie vie.
Des prix, des festivals, des nuées de bruits médiatiques, des foules de supporteurs et de spectateurs enthousiastes. Parfait. On ne peut pas dire que l’agitation de grandes gueules à gros bras - écolophobes à coup sûr - ait étouffé le succès du film. On pourrait même dire, au contraire, qu’elle y a contribué. On ne peut pas toujours gagner. On peut aussi gagner trop tard.
Ça me rappelle l’hiver 54, l’hiver du grand froid – on en a fait un film aussi - l’Abbé Pierre, l’appel, « Mes amis !... Au secours ! », le bêlement de l’Abbé à la radio, « l’insurrection de la bonté », les morts, les mal-logés, Poujade, Diên-Biên-Phu, la Toussaint rouge, etc. Moi, je suis de mai ; le printemps, c’est moi.
Le 12 janvier 1954, il y a 66 ans exactement, Joseph Drevet et Roger Budin, deux paysans – deux chasseurs, cela va de soi – ont tué le dernier loup de France,à Vignieu, dans le Bas Dauphiné. Une grosse affaire qui a duré six mois, avec de grands articles dans Les Allobroges, le journal communiste, dans Le Progrès (de Lyon), et Le Dauphiné (de Grenoble), dans Radar et Détective ; et puis des battues monstres, avec l’aide d’un petit avion, et des équipes de la Pathé et de Gaumont filmant la traque pour les actualités cinématographiques. Allez voir sur les sites internet des mairies de Vignieu, Vasselin, Sermerieu, Morestel, ils en sont fiers. Ils narrent l’épopée, en nomment les héros, détaillent le partage de la dépouille empaillée entre les différentes communes, pour l’instruction des enfants, la curiosité des touristes et la promotion du commerce local.
La suite des aventures malheureuses de Croc-Blanc sont à lire à cette adresse.