Contre la Banlieue totale, revenir à la géographie avec Bernard Charbonneau

jeudi 7 janvier 2021

Mais pourquoi diable Charbonneau est-il si méconnu – méprisé ? - par les milieux de la géographie, de l’urbanisme, de l’architecture, de la sociologie urbaine ? Notre ami Richard Pereira, qui nous livre ici une lecture de Charbonneau, a suivi cinq années d’enseignement de géographie à l’université. Il n’y a jamais entendu parler de ce fondateur de l’écologie politique, pourtant agrégé d’histoire-géographie et auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur les relations qu’entretiennent les sociétés humaines avec leur environnement.

JPEG - 220.3 kioNon seulement Charbonneau n’était, dans les années 1970, ni prof d’université, ni parisien, ni marxiste, mais il était en porte-à-faux avec la géographie qui selon lui avait cessé d’être « descriptive » pour devenir « active » : une science au service de l’aménagement industriel du territoire à une époque où les plus acharnés d’entre les scientifiques imaginent utiliser la bombe H pour percer des canaux et déplacer des montagnes. Ainsi des « explosions nucléaires pacifiques » du programme américain Plowshare abandonné en 1977.

Au fond, la mise sous silence de Charbonneau est assez facile à comprendre. Quand il publie Le Jardin de Babylone en 1969, les Trente Glorieuses sont à leur faîte, portées par la puissance de l’État planificateur. Charbonneau, anti-industriel et libertaire, est donc absolument inacceptable pour son époque, y compris pour les auteurs les plus critiques. Un an plus tôt, en 1968, le sociologue marxiste Henri Lefebvre connut avec Le Droit à la ville un succès autrement plus conséquent. Normal, Lefebvre est à la fois industrialiste et planificateur : « La transformation révolutionnaire de la société a pour terrain et pour levier la production industrielle. […] Seule la prise en charge de la planification par la classe ouvrière et ses mandataires politiques peut modifier profondément la vie sociale et ouvrir une seconde ère : celle du socialisme », conclut-il dans cet ouvrage resté célèbre.

Pour Charbonneau, défenseur de la nature et de la liberté, l’urbanisme a détruit dans un même mouvement les campagnes et les villes – « villes libres et communes médiévales » comme autant de « sociétés spontanées » dotées de leur « gouvernement autonome » –, pour faire de l’Europe « une seule banlieue industrielle et résidentielle » alignant immeubles, usines et « espaces verts » en une « cité totale ». Celles et ceux intéressés par la reprise en main de leur existence face à la mortification de leur environnement immédiat peuvent lire la réédition du Jardin de Babylone à l’Encyclopédie des nuisances en 2002.

Renart, qui installa son gîte sur la friche Saint-Sauveur pour contrecarrer les projets des aménageurs, vous propose aujourd’hui une lecture de Bernard Charbonneau par Richard Pereira de Moura, contributeur du Réseau des territorialistes, et co-directeur de l’ouvrage Design des territoires. L’enseignement de la biorégion (Eterotopia, 2020).

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